Le miroir, symbole de vérité
- Patricia
- 8 juil. 2021
- 4 min de lecture
J’ai toujours considéré une visite chez le coiffeur comme une perte de temps. Je fuyais la conversation incessante des coiffeurs et leurs multiples questions.
J’ai lu récemment un article sur la page web de Joy of Ageing Esoterically *
qui a attiré mon attention. L’auteur révèle ses hésitations à laisser ses cheveux devenir gris naturellement plutôt que de continuer à les teindre. Entretenir la couleur demande, entre autres, des passages réguliers chez le coiffeur.
“Pourquoi dépensons-nous autant d’efforts - principalement les femmes –
pour cacher notre moi profond”? demande-t-elle.
Oui en effet, pourquoi autant de réticence à accepter nos cheveux gris? Cela n’a jamais été un problème pour moi.
J’aurais pu poursuivre ma lecture mais quelque chose, que je ne saurais mettre en paroles, m’a fait relire l’article trois fois. De toute évidence cela demandait à être approfondi.
Ma première réaction, pleine de jugement, a été de banaliser le dilemme de l’auteur. Pourtant, en tant qu’étudiante de la Sagesse Eternelle je sais que tout a une signification.
Mais qu’elle est-elle dans ce contexte particulier? Ma chevelure est abondante, épaisse et grisonnante. Pendant 10 ans j’avais une coupe au carré, la seule possible pour mes cheveux. Cela demandait une visite chez le coiffeur tous les trois mois pour maintenir la coupe. Je trouvais toujours une excuse ou une raison pour retarder le rendez-vous. Mais il arrivait un temps où il m’était impossible de faire moi-même mon brushing.
J’ai toujours considéré une visite chez le coiffeur comme une perte de temps. Je fuyais la conversation incessante des coiffeurs et leurs multiples questions.
Mais était-ce la vraie raison? D’où venaient le malaise et le trouble qui s’accaparaient de moi au cours de ces épisodiques rencontres? Il m’a fallu un certain temps pour comprendre en jetant un regard lucide et honnête sur ma vie. Sans aucune hésitation je reconnais porter en moi depuis ma plus tendre enfance un manque de confiance en moi.
J’ai grandi dans une famille où les gestes affectueux n’existaient pas. D’aussi loin que je me souvienne la relation avec ma mère était difficile. Mon petit frère était son préféré. A l’âge de 7 ans mes parents sont partis pour l’Afrique et sont revenus lors de mes 13 ans. La tension au sein de la famille était permanente et les dénigrements envers moi presque constants. J’étais devenue d’une timidité maladive et je me réfugiais dans les livres. J’avais attrapé la tuberculose qui nécessitait un traitement de 2 ans pendant lesquels j’ai pris du poids ce qui égratigna un peu plus mon amour-propre. Sans en être pleinement consciente je commençais à m’effacer, à m’enterrer tout doucement.
A la suite d’une conversation acrimonieuse il fut décidé de m’envoyer en pension. La discipline était stricte mais si l’on suivait les règles les soeurs nous laissaient en paix.
A ma majorité je suis partie en Espagne puis en Angleterre où j’ai rencontré mon futur mari qui se préparait à immigrer en Australie. Un an plus tard je le rejoignais.
Le jeune homme que j’avais connu en Angleterre avait réintégré sa culture du Moyen Orient. Un nouveau cycle commençait pour moi. Mon mari me considérait comme un vilain petit canard. Le mot comparaison était employé dans tous les domaines. J’ai continué à disparaître, à creuser un peu plus le trou où je trouvais, sinon la paix, du moins un abri. Mon corps se rebellait régulièrement en “m’offrant” des migraines, pour essayer de se débarrasser d’un cocktail empoisonné de tristesse, de colère et de ressentiment.
Je m’étais éloignée aussi loin que possible de ma famille d’origine pour retomber dans un milieu réticent à m’accepter ce qui confirmait, si besoin était, que je ne valais pas grand-chose.
Mais revenons chez le coiffeur. Le temps était venu d’identifier l’origine de ma réticence. Je me suis donc imaginée assise dans un fauteuil, face au miroir, avec un coiffeur bavard coupant mes cheveux. Je me voyais suivant l’activité débordante du salon dans la myriade de glaces. Périodiquement le coiffeur recadrait ma tête pour pouvoir continuer son travail. Soudain, face à face avec moi-même je trouvais vite une échappatoire. Je fermais les yeux ou, du coin de l’oeil, retournais vite au spectacle du salon.
Enfin, j’ai compris !
Rester assise pendant une heure face à ma réflexion m’était quasiment impossible. La vérité s’offrait à moi. J’étais incapable de me regarder dans les yeux, de m’apprécier, de me reconnaître une valeur quelconque. Je percevais le coiffeur qui s’occupait de moi comme quelqu’un qui n’offrait que des banalités et pour lequel je n’étais d’aucun intérêt. N’ayant aucune considération pour moi-même personne ne pouvait en avoir pour moi.
Triste révélation mais oh combien salutaire. Il m’aura fallu atteindre un âge avancé pour pouvoir me regarder dans une glace, sonder mes yeux et laisser sur le côté et pour toujours le suffocant sentiment d’infériorité.
Quand on a longtemps été dans l’ombre. Le soleil fait mal aux yeux. Il faut réapprendre à le regarder.
Ma transformation ne s’est pas effectuée seulement suite à la lecture du blog. Elle est due à mon introduction à la Sagesse Eternelle et aux nombreux étudiants que je côtoie. J’ai appris que le miroir est symbole de vérité. Quoi de plus apte et de plus beau que la réflexion d’un rayon de lumière pour moi qui ait vécu si longtemps dans l’obscurité.
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